RADIATION DES ÉLÈVES HARCELEURS, UNE SI RICHE IDÉE ?

Comme annoncé, le Gouvernement a publié ce 17 août un décret qui autorise les chefs d’établissement scolaire à demander le transfert des élèves harceleurs (dès la maternelle !) dans une autre école pour les « séparer » de leur victime. « Lorsque le comportement intentionnel et répété d’un élève fait peser un risque caractérisé sur la sécurité ou la santé d’un autre élève de l’école, le directeur d’école, après avoir réuni l’équipe éducative, met en œuvre, en associant les parents de l’élève dont le comportement est en cause, toute mesure éducative de nature à faire cesser ce comportement, y compris la radiation de cet élève de l’école et son inscription dans une autre école de la commune », dit le texte.

Les militants de la lutte contre le harcèlement scolaire saluent cette mesure, mais peut-on sérieusement parler d’une avancée majeure ? Pour avoir dépouillé la littérature institutionnelle, très riche sur le sujet, je suis surpris par cette mesure dont l’indigence est largement rattrapée par la puissance de son effet d’annonce. Et j’ai bien peur qu’au mieux la montagne n’accouche d’une souris, qu’au pire elle produise exactement l’inverse de ce qu’elle souhaite éviter, autrement dit que le remède soit pire que le mal.

Depuis des décennies, les institutions – éducation nationale en tête, et les pouvoirs publics sont frileux sur le sujet et, au-delà des cris d'orfraie de bienséance, c’est encore souvent l’incompréhension, l’indifférence et la loi du silence qui règnent. Quant au cyberharcèlement et à l’usage des réseaux sociaux, à peu près tout le monde pédale dans la choucroute.

Alors que peut-on reprocher à ce décret ? Le traitement de ce problème me paraît plus prophylactique que curatif : on élimine l’élément perturbateur en déplaçant le problème dans un autre établissement, mais sans régler les questions de fond, notamment celles qui sont liées au contexte.

Les recherches dans le domaine démontrent que la plupart des faits de harcèlement sont imputables à des effets de groupe (mobbing). L’élève harceleur n’est pas seul. Autour de lui il y a les enfants témoins, présents mais inactifs, et les « suiveurs » qui, sous le regard de leurs camarades et du meneur, se livrent eux aussi à des actes plus ou moins violents contre les victimes. Que fait-on de ceux-là ? Et quels sont les risques que les meneurs reprennent le flambeau ? Ou que le harcèlement se poursuive grâce à la puissante et anonyme caisse de résonance des réseaux sociaux ? De quel pouvoir l’institution dispose-t-elle pour régler cette question ? A peu près aucun. Quand on voit l’incapacité des pouvoirs publics à légiférer sur la pornographie en ligne, il n’y a là rien de très surprenant. De ce constat découle une autre question : l’élève harcelé, débarrassé de son bourreau, a-t-il envie de rester dans cet établissement, avec ses souvenirs et dans la crainte des représailles que pourraient lui infliger d'autres camarades, lui, la « balance », la « salope », sans nul doute exhorté à « enculer sa mère. »

Autre oubli, et de taille : comment établir de façon claire le harcèlement par rapport à la simple « vanne » ou au plus acceptable « bashing » ? Là encore les critères sont subjectifs et relèvent souvent du flou artistique. Sur quel référentiel les équipes éducatives vont-elles établir le harcèlement « en vrai » et comment vont-elles gérer les accusations « faciles » ou vengeresses, sachant que le mot est largement galvaudé et qu’à peu près toute situation de conflit peut être assimilée à du harcèlement ? Là encore un grand point d’interrogation...

Encore une omission : quid de la violence éducative qui coproduit les situations de harcèlement ? Va-t-on demander à des profs qui ont parfois initié le problème de porter des sanctions contre les jeunes qui leur ont emboité le pas ? Ou les externaliser eux aussi ? Qui les jugera ? Rien non plus sur l’accompagnement des enfants victimes et de leurs familles, rien sur la prise en charge des enfants passifs et des suiveurs. Le décret déplace le vrai problème en annonçant des sanctions exemplaires pour exposer les gros bras du ministère, malheureusement aucun muscle, que de la soupe claire...

En 2022, j’ai publié chez Eyrolles un ouvrage sur le sujet, dont il s’est vendu depuis quelques poignées d’exemplaires. Mon projet ? Apporter une aide substantielle aux parents des enfants victimes de harcèlement, de cyberharcèlement, de sexisme, de bashing. Avec une doctrine chère à Pasteur : « ne cherchons pas à éviter à nos enfants les difficultés de la vie ; apprenons-leur à les surmonter. » Dans ce livre qui s’adresse aux familles, je propose de nombreuses pistes pour comprendre le problème et agir, repérer les signes avant-coureurs et armer ses enfants. Ce livre n’a reçu aucun accueil médiatique : ni presse, une radio (France Bleu Corse, ou étonnamment les problèmes de harcèlement sont moins présents que sur le continent), ni télé... J’ai la prétention de croire que le contenu n’est pas en cause, mais que le sujet dérange... méchamment ! Pourtant, laisser des enfants subir des violences et s’épuiser à lutter pour leur survie devrait nous être insupportable. Et si les parents comptent sur les institutions et les pouvoirs publics pour régler le problème, ils se fourrent le doigt dans l’œil, jusqu’à l’omoplate.

Christophe Carré, médiateur professionnel, diplômé du 3ème cycle en sciences de l’information et de la communication, praticien en hypnose Ericksonienne, formé en victimologie.

Auteur de Harcèlement, jeux dangereux, bashing, sexisme..., Aider son enfant à être autonome face à ces violences ordinaires, Paris, Éditions Eyrolles, 2022.

Les experts - Harcèlement, jeux dangereux, bashing...comment aider son enfant face à ces violences ?

Christophe Carré sur France Bleu RCFM

 

Dans cet ouvrage, l'auteur propose aux parents de s'engager dans un soutien ferme mais non intrusif...

Intimidation, moqueries, insultes, sans oublier les risques de harcèlement ou les dangers des réseaux sociaux... Dès leur plus jeune âge et notamment l'entrée à l'école, les enfants sont exposés à des comportements et à un environnement violents, dont il est difficile de les protéger. Cette violence, qui parfois passe inaperçue tant elle semble banalisée, entame la confiance et l'estime de soi de l'enfant, à court et à long terme, et peut le plonger dans la détresse.

Comment, en tant que parent, peut-on aider son enfant ?

Faut-il opter pour l'ingérence, intervenir à sa place ?
Ou bien l'exhorter à se défendre tout seul ?

Dans cet ouvrage, l'auteur propose aux parents de s'engager dans un soutien ferme mais non intrusif : être attentif aux signes de détresse, accueillir la parole de l'enfant, établir un dialogue bientraitant et le guider vers ses propres solutions chaque fois que cela est possible, lui permettra de reprendre confiance en ses ressources.

Un guide 100 % pratique pour aider l'enfant à grandir le plus sereinement possible !

Harcèlement, jeux dangereux, bashing, sexisme... Aider son enfant à être autonome face à ces violences ordinaires



 

50 exercices pour résoudre les conflits sans violence, un précieux outil pour les formateurs

50 exercices - répartis en quatre sections - qui ont inspiré un grand nombre de formateurs. Ils permettent d'apprendre à résoudre les conflits sans faire appel à la violence. A travers tests de personnalité, études de cas, QCM, exercices à trous et techniques à expérimenter en dehors du livre, le lecteur apprendra à :
  1. évaluer sa façon habituelle de réagir face aux conflits,
  2. identifier les causes et les mécanismes d'un conflit,
  3. désamorcer les conflits dans le calme et la transparence en appliquant les techniques de la communication non violente,
  4. développer ses qualités relationnelles, son assertivité, son écoute, son empathie pour mieux gérer les face-à-face conflictuels.

L’enfer c’est les autres : l’histoire d’une mystification

« L’enfer c’est les autres ! », qui n’a pas entendu ou prononcé cette sentence cinglante ? Qui peut prétendre qu’elle n’influence pas nos relations avec les autres, dans un monde ou toute difficulté relationnelle est aujourd’hui presque systématiquement médicalisée et répertoriée ? Et pourtant... Pourtant beaucoup de gens ignorent que cette sentence maléfique est le fruit d’une mystification que certains profs de philo se sont empressés de répandre dans leurs classes mutatis mutandis, souvent sans remise en contexte ou analyse contradictoire.

« Tous ces regards qui me mangent… (Il se retourne brusquement.) Ha, vous n’êtes que deux ? Je vous croyais beaucoup plus nombreuses. (Il rit.) Alors, c’est ça l’enfer. Je n’aurais jamais cru… Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril... Ah ! Quelle plaisanterie. Pas de besoin de gril : l’enfer c’est les autres. »

Les petites chirurgies proverbiales procèdent par sélection, extraction et généralisation avant d’être exportées. Elles fonctionnent souvent comme des miroirs déformants et donnent lieu à de sérieux contresens. A propos de cet « enfer c’est les autres », Sartre se voit dans la nécessité de préciser ses intentions dans un enregistrement sur disque réalisé par la Deutsche Grammophon Gesellschaft en 1965 :

« C’est autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l’autre ne peut être que l’enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes pour notre propre connaissance de nous-mêmes. [...] Nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donné de nous juger. Quoi que je dise sur moi, toujours le jugement d’autrui entre dedans. Ce qui veut dire que, si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d’autrui. Et alors en effet je suis en enfer. Et il existe quantité de gens qui est en enfer parce qu’ils dépendent trop du jugement d’autrui. Mais cela ne veut nullement dire qu’on ne puisse avoir d’autres rapports avec les autres. Ça marque simplement l’importance capitale de tous les autres pour chacun de nous. »

Voilà donc la morale de l’histoire : les autres ne sont pas l’enfer par principe et ils peuvent même devenir un paradis. Car c’est la qualité des relations que nous avons avec eux qui détermine notre équilibre et notre bien-être personnels. Quand on a de mauvaises relations, nous vivons l’enfer, non pas parce que nos congénères nous pourrissent la vie, mais parce qu’ils sont nos miroirs. C’est à travers eux que nous pouvons apprendre à mieux nous connaître... Ou perdre confiance. Si leurs jugements à notre égard sont négatifs, dégradants, ils impactent inévitablement nos propres jugements sur nous-mêmes et créent une dépendance qui nous fait souffrir, surtout si nous n’envisageons pas de changer nos relations avec eux. Les relations sociales ont une incidence majeure sur le bien-être et la santé. Quand le souci de soi cohabite harmonieusement avec le souci des autres, quand les gens acceptent de se découvrir, sans inquiétude, mais avec une certaine curiosité de la rencontre et de ses mystères, alors ils peuvent développer des relations authentiques et pacifiées, fondées sur la confiance et le respect. Alors ils sont en mesure de réussir en coopérant et en se confrontant, sans chercher à prendre le pouvoir ou à s’anéantir. Et si le bonheur c’était les autres ?


Le paradis ? C'est l'autre !

Un article de "Pleine Vie" consacré à mon ouvrage Et si le bonheur c'était les autres ? qui vient de paraître aux éditions Larousse...


Et moi, et moi, et toi ?

Un article de "Psychologie positive" consacré à mon ouvrage Et si le bonheur c'était les autres ? qui vient de paraître aux éditions Larousse...


Nul n'est une île


Pouvons-nous vivre heureux, dans notre petite sphère de bonheur privé, à l’écart du monde et des autres ? Pouvons-nous vraiment nous sentir bien quand nos proches sont malades ou malheureux ? Pouvons-nous ressentir un état de bien-être quand nos relations avec eux sont dégradées ? Contrairement à ce que nous sommes culturellement amenés à penser, les autres ne sont ni des loups, ni l'enfer ; en tout cas, pas tous les autres, loin s’en faut...

De nombreuses recherches universitaires démontrent que la qualité des relations que nous entretenons avec les gens qui nous sont proches influence, notre sentiment de bien-être, notre santé et notre longévité. Alors qui sont ces autres qui nous font du bien, pourquoi avons-nous besoin de leur présence et comment les cercles vertueux de la bienveillance, de la gratitude, de l'empathie, de la gentillesse et de l'altruisme se nourrissent-ils - comme des feux - de leurs propres flammes ?

 Le philosophe Gaston Bachelard disait : "c'est la relation qui illumine l'être" tandis que la société cynique dans laquelle nous vivons nie l’altérité en nous martelant que nous sommes notre meilleur ami, que les autres sont tous, à des degrés divers, des prédateurs pervers ou dangereux pour notre croissance personnelle, qu'au-delà de nous, il n'existe point de salut, que la plus belle relation que l'on puisse avoir, c'est avec soi-même. Comme si les autres ne participaient pas, dès nos premières secondes d'existence, à notre croissance et à notre équilibre...



Nul n'est une île. L'ennemi absolu est le sentiment fou de se croire exceptionnel à l'écart du monde et des autres. Et si le bonheur c’était les autres ? Bonne année à tous !

Il existe un rapport étroit entre la qualité des relations que les gens entretiennent avec leurs proches et leur santé, leur longévité et leur bien-être...

Depuis une vingtaine d’années, plusieurs expériences conduites dans un cadre universitaire aux États-Unis ont mis en lumière un rapport étroit entre la qualité des relations que les gens entretiennent avec leurs proches, leurs amis, leurs familles et leur santé, leur longévité et leur bien-être. Nous avons besoin des autres, en tout cas de ceux qui nous veulent et nous font du bien... Et contribuer à leur bien-être nous procure du bien-être. C'est un cercle vertueux ! Tout le monde a sans doute connu cette expérience : faire un geste, soutenir, aider quelqu'un, l'accueillir avec bienveillance lui montrer de la gratitude, toutes ces attitudes nous apportent beaucoup à titre personnel




Nous vivons dans une société cynique

Nous vivons dans une société cynique qui fait de l'autre un moyen pour le ramener à soi, pour l'instrumentaliser. Une société de prédateurs qui vont chercher à l'extérieur, ce qui leur fait défaut en dedans. Dans ce paysage où l'adversité règne en maître, l'empathie, la gratitude, l'altruisme, l'attention, la gentillesse, la sollicitude, l'attention, la reconnaissance, la compréhension sont conçus comme des marques de faiblesse. Alors qu'ils sont au contraire des forces qui font autant de bien à celui qui les reçoit qu'à celui qui les exerce...